Bienvenue dans mon univers!

Egérie de mon blog littéraire, elle sera la pour laisser une trace de poussière de fée au milieu de ma sélection de livres….Ne vous fiez pas à l’aspect enfantin, car mes préférences vont, le plus souvent, vers les thrillers…..

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« Chaque fois que quelqu’un dit: Je ne crois pas aux contes de fées, il y a une petite fée quelque part qui tombe raide morte. « 

J.M.Barrie, Peter Pan

La mort d’Euripide, Aleksandar Gatalica

🪻Chronique🪻

« mais pousse la porte verte de ta main pâle, cher Euripide, et entrons à l’intérieur, car il ne s’agit pas d’une simple promenade. »

Je n’aurai pas l’audace de m’adresser à Euripide, car il faut connaître l’homme, son art, ses convictions, mais grâce à ce texte, il me parait moins obscur. Je suis loin de maîtriser les multiples références qu’Aleksandar Gatalica s’empare dans cette histoire de haute voltige, mais je me suis accrochée à la musicalité, à la dynamique, et au désarroi du narrateur. Et l’empathie m’est venue pour lui, elle, et tous les autres qui semblent connaître des fluctuances d’humeur et d’état…Je crois qu’il y a dans l’art, un refuge, et j’y étais bien dans celui-ci, parce que l’accueil est non seulement sympathique et franc, mais avec des flashs de couleurs, de textures et d’imaginations qui te laisse, un noeud noué à l’intérieur de ton cœur…Mais je peux toujours chercher les vingt-quatre façons de le faire encore et encore, en allant approfondir la transmission helléniste et autres tragédies grecques, ça n’empêche que je le ferai juste, pour le plaisir. Et c’est ce que m’a laissé ce livre comme impression, ce bonheur futur de rencontrer Euripide et les autres, et dieu sait qu’à l’intérieur de moi, il y aura de la place pour cette harmonie…Mais revenons à La mort d’Euripide…Si le narrateur semble dériver sur les eaux troubles de Venise, la mort, elle, vadrouille comme une vagabonde, libre et débridée. Elle nous échappe autant qu’elle nous fascine, à venir comme ça, nous faire signe. Et la mort d’Euripide, ne fait que renforcer son aura, mais tout son mystère aussi. Donc c’est vrai qu’il est question de mort et de vie. Qu’est-ce que la vie? Et qu’est-ce qu’on fait de la mort, si elle vient nous frapper, les frapper, déstabiliser les convictions? Le deuil dans sa tragédie occupe tout l’esprit des vivants, mais que fait-on de lui, quand on cherche des réponses? Qui est capable de nous hanter aussi bien qu’une mère ou un frère? Si on reçoit le prix de la tragédie est-ce qu’on devient si célèbre qu’on ne meurt plus? Cette échappée à Venise est un voyage philosophique, poétique et artistique. On est pris dans un mouvement de vie et de questionnements qui renverse nos perceptions. C’est à la fois déstabilisant et incroyablement stimulant. Bref, j’ai adoré!

Remerciements:

Je tiens à remercier Zivko Vlahovic ainsi que PlanB éditions de leur confiance et l’envoi de ce livre.

Célestine, Sophie Wouters

💫Chronique💫

Il est des filles belles, très belles, trop belles. Des filles belles comme le jour. Des filles qu’on dirait tombées du ciel. Une de ces filles s’appellera Célestine. Et elle tombera dans un petit village des années soixante, en France. Tombée dans un lieu, une famille, où on n’a que faire de la beauté. Ça ne nourrit pas la beauté, seule la terre le fait. Et puis, la beauté c’est plutôt une malediction dans le coin…

Il est des drames indicibles, terribles, sidérants. Des drames que même le jour ne supporte pas. Des drames qu’on dirait impossibles. Un de ces drames s’appellera pulsion, mais il a d’autres noms aussi, moins beaux, beaucoup moins beaux. Mais la beauté ne dit rien. Et tombé dans ce coin reculé où même dieu n’a pas de valeur, le drame creusera son malheur dans les âmes tendres. Mais le silence reste le maître de ces lieux…

Il est des histoires courtes qui vous percutent de plein fouet. Il n’est pas de mots pour décrire le malheur qui s’obstine, alors Célestine se tait. Elle se tait, parce que personne ne saisit l’état de sidération. Elle se tait, même si son rêve de départ c’était d’être speakerine. Vaste paradoxe du destin, alors c’est ça la poétique de la fille tombée du ciel?!? C’est tout ce que la terre à offrir?!? Je vomis cette facilité qu’ils ont tous à détruire la beauté. Je les vomis, tous autant qu’ils sont, avec leurs pourritures qu’ils ont en eux. Je les vomis dans leurs pulsions, dans leurs jalousies, dans leurs violences…

Et parce que j’aime trop les coquelicots, j’aurai toujours une pensée tendre, pour Célestine. Pour le printemps qu’on lui a volé: une colère aussi rouge que cette fleur. J’ai lu et adoré ce roman, parce qu’il n’y a rien à dire de plus que :Lisez-le! C’est une révélation Pocket, et vous savez maintenant que c’est un gage de qualité, et j’ai toute confiance en leurs choix, car à chaque fois, ils se vérifient et, sont mes coups de cœur ❤️

Remerciements:

Je tiens à remercier les éditions Pocket de leur confiance et l’envoi de ce livre.

Après minuit, Gillian McAllister

🕛Chronique 🕛

« Elle doit sortir de là. Mais sortir d’où? D’hier? »

Et c’est là, toute la problématique de Jen. Mais surtout, surtout, toute l’ingéniosité de ce thriller addictif. Est-ce qu’on sort d’hier? Hier, où elle voit son fils assassiner un inconnu dans la rue. Hier, qui n’est plus hier, mais demain, tout en sachant aujourd’hui, mieux qu’hier, mais bien moins que demain. Cette formule d’amour est, en principe, un cercle vertueux, mais ici, au milieu de ses pages, elle prend la forme d’une boucle temporelle dont Jen ne peut pas sortir. Bien sûr que l’amour est au centre de tout, et bien évidemment que Jen veut empêcher la tragédie qui touche son fils, mais qu’elle est cette variation de temps et d’heures perdues, qui frappe Après Minuit? Jusqu’où peut-on aller par amour? Jusqu’à hier et Après Minuit? Où jusqu’à l’origine du crime et de l’amour? Jen est déterminée à aller jusqu’au bout, mais lequel?

« Comment en est-elle arrivée à élever un assassin? »

Au-delà du thriller domestique exceptionnel et grandiose, Gillian McAllister se penche sur la complexité du rôle de la mère, et c’est ce qui m’a bluffée, la manière fine et intelligente de parler de ce problème de société qui pèse sur les femmes. En effet, Jen est une maman dévouée, aimante, dans l’air du temps. Elle allie vie de famille et vie professionnelle avec brio. Mais comme toutes les mères, il me semble, elle ne peut se débarrasser de ce sentiment féroce: la culpabilité. Une culpabilité permanente, intériorisée, dévastatrice. Une culpabilité dévorante qui se manifeste quoi que Jen entreprenne. Qu’elle agisse bien ou maladroitement, elle est assaillie par les fantômes de ces normes sociétales injonctives et contradictoires. Et ainsi, en se baladant dans le temps, par les forces des choses, les petits détails et les grandes angoisses, n’ont de cesse de venir la troubler, et parfois couper ses élans…Mais elle veut réussir sa mission, car la maternité est ainsi, on peut tout dépasser pour sauver son enfant. C’est là, le secret de notre super pouvoir de mère. Mais qu’a-t-elle raté de son éducation ou dans sa cellule familiale, pour avoir, en cette veille d’Halloween, un fils assassin?

« parlez-en à un ami et dites-lui de vous rejoindre dans la boucle (bien sûr), documentez tout, faites l’expérience… et essayez de ne pas mourir. »

C’est tout ce que je vais pouvoir vous dévoiler. Cinq petits conseils. Les mêmes que reçoit Jen pour tenter de sauver son fils, et elle-même, et peut-être, d’autres… Et je préfère vous prévenir: vous n’êtes pas prêts! Attention aux virages, aux détails, aux mensonges, il en va de la sécurité de nous tous, et même plus si affinités! Mais sinon, pour ce qui est de l’originalité et de l’expérience de lecture, c’est une réussite! Vous pouvez ramener tous vos amis et leur mettre ce livre dans les mains! Je ne peux vous dire si je suis morte ou pas, mais je peux vous dire quand même que émotionnellement, psychologiquement, viscéralement ce livre, est une bombe! Chaque mot est posé avec soin, le rythme est impeccable, les personnages travaillés, la fin excellentissime! C’est un coup de cœur ❤️

Remerciements:

Je tiens à remercier très chaleureusement Sonatine éditions de leur confiance et l’envoi de ce livre.

Émirage , Emma Férey

🕶️Chronique🕶️

« Comme si Dubaï pouvait avoir l’air d’autre chose. »

Avoir l’air de quelque chose. Dubaï aurait l’air de quoi, finalement? Vu d’ici, on pourrait croire à un certain air de paradis. Vu d’ici, de loin donc, les illusions sont tellement bien fabriquées qu’on pourrait les croire, réelles. Mais c’est toute la complexité du mirage, l’air densifié qui superpose des images. Quel phénomène optique se cache, donc, derrière Dubaï? Est-ce que cette destination ne serait pas un trompe-l’œil séduisant mais redoutable, ainsi fait de courants inférieurs et supérieurs? Si Dubaï en fait rêver plus d’un, il n’en reste pas moins que ses rayons lumineux sont dangereux, même d’ici, de loin donc, on peut le ressentir. Mais encore faut-il l’expérimenter, et ses deux jeunes femmes vont l’apprendre à leurs dépens. Tout cet artificiel, ça cache forcément quelque chose. Et pourtant…Chaque année, de nouvelles personnes tentent leurs chances dans l’influence et se laisse séduire par ses atours clinquants. Mais le rêve ne se transformerait-il pas en cauchemar, pour ses nouveaux adeptes de l’argent facile et du like chronophage? Emma Férey explore avec ce thriller 2.0, les nombreux nouveaux pièges de cet eldorado mystérieux. Ce titre,Émirage, c’est une manière d’alerter sur ces lumières trop intenses qui cachent quelques sombres paradoxes fatals…

« C’est ce que Dubaï avait à offrir à ma meilleure amie? »

Alice et Norma. L’amitié qu’ils n’avaient pas prévue. Pas orchestrée. Pas planifiée. Norma et Alice, c’était l’évidence et elles s’y sont accrochée. Devenir meilleures amies dans ce monde de télé-réalités, « bad buzz » et autres relations toxiques, ça tient presque du conte de fées. Elles sont meilleures amies et j’étais heureuse de les voir si complices, et déjouant tous leurs pronostics, avec ce réel attachement sororal. Alors quand Norma disparaît des radars, juste après son entrée très remarquée dans la ville de Dubaï, vous pensez bien qu’Alice va partir à sa recherche, étant donné leur relation fusionnelle…Mais là-bas, les portes et les bouches se ferment, quand Alice essaie d’en savoir plus sur la disparition de son amie. Mais déterminée à la retrouver, elle ira jusqu’où bout des mensonges et vérités qui se dissimulent sous les paillettes. Jusqu’à remuer ciel et terre, pour ramener sa sœur dans la lumière réelle…

« Ça peut se jouer à un détail ou deux, mais tu sais où se niche le diable. »

Peut-être que nous avons, plus qu’un détail ou deux dans ce roman, je dirai plutôt que c’est une sacrée descente aux enfers que vont subir ces deux amies. Ce que je sais c’est que le diable ne se niche que là où est l’argent. Le diable aime l’argent, le diable est argent. L’avidité des uns, le désir immodéré des autres, et Dubaï, nouvel eldorado, semble être le lieu adéquat pour satisfaire ces offres et ces demandes. Parce que l’argent est l’outil du pouvoir et puisque certains profitent de leurs richesses pour exercer leurs dominations, le diable se ramène forcément dans cette nouvelle donne, et commence ainsi les dérives, en tout genre. Émirage, est donc un thriller efficace et captivant que je conseille de lire à toute nouvelle génération fasciné par ce luxe. L’or n’est qu’une couleur, une illusion, un mirage, mais ne serait-ce pas des barreaux, dorés, que je vois dans le camouflage de cette propagation de lumière? Mettez vos lunettes, mes choupis, c’est nécessaire!

Remerciements:

Je tiens à remercier très chaleureusement les éditions Albin Michel de leur confiance et l’envoi de ce livre.

L’ourse qui danse, Simonetta Greggio

🐻‍❄️Chronique🐻‍❄️

J’intercède. J’intercède pour l’ourse qui danse. Je lui cède la joie, la beauté, les confins. J’intercède pour la nature, l’ourse, la vie. J’interagis avec leurs légendes, leurs survies, leurs droits. J’intercède pour cette ourse polaire, et j’ai l’espoir que cette prière venue du fond des âges du futur ou passés, viendra vous toucher aujourd’hui. Il y a urgence. Il y aura urgence. Il y avait urgence. Il y avait urgence même, mais l’homme blanc, dévoreur de territoires, a volé ceux des Inuits. Il y avait urgence, mais du fin fond du froid, personne n’a vu le carnage. L’effet miroir est trop aveuglant. Mais maintenant, il y a urgence. Il y aura urgence. Urgence climatique. Urgence de réparation. Urgence de préservation. La banquise se meurt, et son système écolo-politiquo-sociologique est à l’agonie. La biodiversité est en voie de disparition. Et les ursus maritimus se raréfient dans le paysage. La mort arrive. Les virus aussi. La perte du tout est imminente.

Si le savoir ancestral se perd, la langue aussi. Pourtant, leurs mots sont si beaux, si poétiques. A force d’arrachements, le peuple inuit perd son lien avec les esprits, la nature, la vie. Alors qu’il aurait tant à nous apprendre. Mais encore faut-il regarder dans le miroir…Encore faut-il le courage de comprendre que les tuer, eux, c’est nous tuer, nous. Un reflet que nous ne sommes pas prêts à réfléchir.

Et pourtant, grâce à cette histoire de renaissance, Simonetta Greggio, renoue un lien. Le lien ténu entre homme-nature, le lien entre homme-fauve, le lien homme et grands espaces. Une invitation au chamanisme, mais pas seulement: une redécouverte avec le Vivant. Une quête initiatique qui fleure bon l’aurore boréale et la tanière de l’ourse. En effet, l’Inuit, scindé en deux par l’Histoire, en rencontrant l’ourse, va réapprendre la nécessité de l’humilité, de la réconciliation, de la bienveillance. Il va ré-mesurer l’état de vulnérabilité, de maîtrise, de l’implacable. Et trouver la voie d’un porte-parole de sa communauté de par le monde…

Entre le conte et le récit engagé, le sauvage délivre ses problématiques et c’est bouleversant. Le cri est puissant. Le requiem harmonieux et déchirant. L’ourse et l’Inuit ont une peine que j’ai décidé de serrer dans mon cœur. Comme la terre, moi aussi, j’ai pleuré tout ce que j’avais. Noire est la nuit qu’il m’est restée. Mais les étoiles de la Grande et Petite Ourse continuent de briller, dans mon ciel. Et j’intercède pour elles. Elles, qui dansent dans mes yeux, pour ne plus jamais s’en revenir, éteintes. Je veux les voir libres, entre nos deux mondes…Et si je vous dis, que j’ai lu et adoré L’ourse qui danse, est-ce que vous intercéderez aussi en sa faveur?

Charge, Treize

🍄Chronique🍄

Y a un truc qui me tire

Y a un truc qui me tire vers le ventre

Le ventre est le nouveau cerveau

Nouvelle gravité il inscrit mieux

Les plaies les prénoms les mots

Y a un truc qui s’ouvre

Y a un truc qui s’ouvre dans le ventre

Le ventre est cette nouvelle fenêtre

La psychiatrie ne s’écrit pas

Avec de l’air frais des fleurs et du bleu

Y a leurs pratiques

Leurs cachets leurs inhumanités

Leurs dominations leurs diagnostics

Y a ces portes qu’on n’ouvre pas

Y a tous ces trucs qui tirent vers le bas

Et eux, mais eux, restent en haut

Tout en haut de la pyramide

Et puis vient la haine

Comme autodéfense

Elle vient comme elle perd

Les clefs des cadenas qu’ils ont posé

Partout

Sur les portes les fenêtres les corps l’esprit

Elle ouvre le huis clos psychiatrique

Elle s’accroche à la poésie elle s’engraisse

De mots de maux de peaux d’entrailles

Elle écrit avec son ventre ses tripes sa charge

Elle dénonce l’incompréhension les divergences l’incompétence les traitements lourds les ajustements les pleins pouvoirs les victimes les sorties de corps l’accoutumance le degueuli l’indifférence l’horreur les ECT

Bref du bricolage, de la mécanique de contrôle

Et dans cette écriture pulsionnelle

J’y ai vu une fenêtre ouverte

Une bouffée d’air frais: le slam

Une résistance

Une énergie électrique

Ça te foudroie. C’était ça cette lecture.

Un foudroiement.

Une décharge nécessaire pour comprendre

L’univers aliénant de la psychiatrie

Et Treize va faire de la poésie

Un moyen de libération

Une expérience ébranlante

Une écriture explosive

Bienvenue dans le huis clos psychiatrique

Au bout des coups: un coup au cœur

Au bout du All in: un coup de cœur ❤️

Cette vie, Melatu Uche Okorie

💟Chronique💟

Dans Cette vie, il y a des inégalités.

Cette vie, c’est des portraits de femmes migrantes qui vont devoir faire face, à la violence, le racisme, la misogynie, l’infantilisation, à l’ignorance, et à bien d’autres traitements intolérables…

Ce livre m’a beaucoup fait penser à Stardust de Leonara Miano, et la difficulté monumentale de vivre en centre de réinsertion et de d’hébergement d’urgence, mais j’ai pu constater avec Cette vie, qu’on ne fait pas beaucoup mieux, en terme de déshumanisation, au-delà de nos frontières…Même si le centre de rétention en Irlande, n’est jamais nommé explicitement, il est considéré comme le « meilleur », c’est dire de ce qu’il peut se passer dans les autres…Car ces femmes qui doivent fatalement en passer par là, en plus de la douleur de quitter leurs pays, doivent subir un nombre incalculable d’injustices à cause de leurs statuts de réfugiées. Des injustices inadmissibles que dénonce Melatu Uche Okorie au travers de ces nouvelles bouleversantes. En effet, ce recueil de textes nous contextualise le panorama politique et social de l’Irlande tout en nous donnant les voix de celles qui passent par ces centres avec ce que ça comporte d’aberrations et d’illogismes en tout genre. Et parlons-en du genre, puisque l’autrice concentre ses histoires sur cette triple peine d’être réfugiée, femme et noire. En somme, moins que rien que rien, dans les esprits de certains, d’où leurs manières ignobles de se comporter…C’est tout une violence systémique, ici ou là-bas, que Melatu Uche Okorie fait rejaillir dans ces nouvelles et ça m’a déchiré le cœur, parce qu’elle est la vérité des souffrances dans la chair et l’âme de mes Sœurs. Toujours en lutte pour tout et n’importe quoi, ces femmes n’ont de cesse d’être sur le qui-vive. Elles doivent non seulement survivre et garder en vie leurs enfants, dépasser les us et coutumes de leurs pays d’origine, faire face au rejet du pays « accueillant », et bien sûr, où qu’elles se trouvent, éviter la violence masculine…

Cette vie, c’est autant de textes forts et vibrants qui nous raconte la détresse silenciée de ces femmes. Mais malgré le sujet sensible, il y a dans ces pages, une note d’espoir. Une envie par le biais de l’écriture de sortir de cette condition féminine effroyable. Il y a un espoir de solidarité, de sororité, d’émancipation. Les mots de Melatu ont la force et la douceur, la colère et la tendresse. Des mots d’ici et de là-bas, un mélange qui n’appartient qu’à cet entre-deux. Entre-deux-terres, entre-deux-cultures, entre-deux-langues, mais la vérité, est-ce que un entre-deux-cœurs ne pourrait pas s’ouvrir, et faire des greffes d’entraide bienveillante, dans ce champ de possible?

J’aime à croire que dans cette vie, je le verrai de mes propres yeux…

Remerciements:

Je tiens à remercier très chaleureusement Tropismes Éditions de leur confiance et l’envoi de ce livre.

Au nord de la frontière, R.J Ellory

🍂Chronique🍂

« –il savait qu’il ne resterait rien de lui hormis ce que les autres décideraient de se rappeler. »

Qu’est-ce qu’on laisse de nous, à notre mort? Est-ce que les souvenirs nous survivent? Victor est un solitaire, un pur, un dur, alors il sait bien, que des traces, il ne va pas en laisser beaucoup dans les esprits. Mais il faudra bien, avec l’enquête qui l’attend et le deuil qui le frappe, avancer jusqu’Au nord de la frontière du Tenessee, mais aller aussi, jusqu’à explorer ses propres frontières qu’il a érigé autour de lui, pour sortir de cette aigreur plombante. C’est étrange comme une mort soudaine peut nous plonger dans le désarroi et le dénuement. Tout d’un coup, la richesse, le lien, le possible disparaissent. Victor Landis va apprendre à ses dépens, la disparition d’un frère, de son frère, shérif aussi et très probablement assassiné dans le cours d’une enquête pour le moins véreuse à souhait, et qu’il va reprendre à ses risques et périls, par la force des choses…Un frère qu’il n’a pas vu depuis douze longues années. Ce frère honni, est entre temps devenu mari et père mais lui, est resté étranger à ces étapes de vies à cause de leurs éloignements. Alors quand vient la nouvelle de sa mort, c’est autant de chances de perdues pour la réconciliation et encore plus de pesant à sa solitude. À moins que. À moins que, le lien du sang ne lui rappelle des souvenirs, des mensonges et la désagréable sensation du regret, qu’il croyait avoir enterré bien profondément. À moins qu’une jolie frimousse ne lui fasse oublier la rancoeur mais réveille son désir de justice. À moins que les efforts de solidarité entre les bureaux des shérifs ne lui donne matière à réfléchir sur l’image qu’il va devoir laisser, à ses proches…

« L’imagination de l’homme semblait infinie quand il s’agissait de faire souffrir. »

Finalement, les tourments personnels de Victor ne seront que secondaires face à la déferlante d’impondérables dérangements de cette double-enquête qu’il va mener, Au nord de la frontière. En effet, des corps de jeunes femmes sont retrouvés ça et là, atrocement abandonnées sur les terres Appalaches et chaque pas, semble le rapprocher toujours plus près, de la cruauté humaine, dans ce qu’elle fait de plus gore, forcément. Meme pas le temps d’encaisser le choc de ce deuil, qu’il doit aussi marcher sur les pas de son frère, tout en évitant les sables mouvants, apprendre à coopérer et échanger avec ses pairs, tout en endossant un nouveau rôle: être oncle. Il n’a plus le temps de s’ennuyer, ce sheriff bourru! Mais surtout, il n’a plus le temps de se reposer car l’étau se resserre, et certains sont prêts à tout pour préserver leurs main-mises crasseuses et corrompues sur de juteux investissements…Mais alors jusqu’où peut-on se lier au devoir de la vérité quand le cœur est si lourd?

« -J’imagine que certaines choses ne changeront jamais. »

Et ça, c’est bien. Il y a certaines choses que je ne voudrais pas voir changer, entre autre, le plaisir de lire les romans noirs fascinants de R.J Ellory. Je ne voudrais pas que cela change car lui seul, m’emporte toujours, en territoire sombre mais au plus près, de la nature humaine. Et lui, ce merveilleux Ellory, m’ouvre un champ possible pour l’espoir, là où vraiment, il est si difficile de le voir germer. Même au milieu du chaos, au cœur des ténèbres, dans le plus profond gouffre de l’horreur, il place ses personnages dans des situations impossibles, mais leurs cheminements nous poussent à réfléchir à nos propres questionnements existentiels, comme le pardon, le deuil, les liens familiaux. Bien sûr que certaines choses ne changeront jamais, comme la violence, la corruption, la misère, mais dans ce thriller bouleversant, avoir un justicier au grand cœur comme Victor, cela peut changer la mauvaise donne des contrées isolées et impécunieuses des Appalaches, et nous rafler le coup de cœur lors du final grandiose, dont cet auteur a le secret!

Remerciements:

Je tiens à remercier très chaleureusement Sonatine éditions de leur confiance et l’envoi de ce livre.

On m’appelle Demon Copperhead, Barbara Kingsolver

🪁Chronique🪁

Où commence la route vers la perdition?

Je ne crois pas qu’il y est une ligne de départ. Ou alors elle est tellement loin, dans le temps et dans l’espace, que ce n’est plus qu’une illusion. Ta naissance, Damon, n’est pas un commencement mais un lent cheminement de circonstances et d’évolutions qui t’ont jeté là, sur les planches de ce Mobil-home, avec les dés de la malchance. Certes, tu vas te battre, essayer de combattre coûte que coûte, ce déterminisme social, mais Damon, tout a été pensé pour que tu ne t’en sorte pas. Tout a été truqué de long en large et en travers, pour que tu te noies dans une baignoire ou un océan plus ou moins démoniaque. Le naufrage n’était pas une question de fait, mais de temps. Et pourtant, tu en as eu des noms pour tromper le sort, de Démon à Diamant, mais rien n’y a fait. Ce fut un acharnement continu. Sans doute est-ce la terre, le sang, ou ton étoile mais la perdition était annoncée avant même ton envie de vivre. C’est ainsi. Et dieu sait que tu en avais l’envie, de vivre. A pousser toi-même les portes, à foncer droit devant, a déjouer les eaux stagnantes de la pauvreté, tu t’élanceras vers les cieux, comme un jet puissant. Mais étant un Déplorable, qu’est-ce que ça va bien pouvoir changer pour ton salut?

La morale de cette histoire, c’est qu’on connaît jamais la taille de la blessure que les gens ont dans le cœur, ni ce à quoi ça peut les mener, quand l’occasion se présente.

Je pense à toi Demon Copperhead, dans le jour déclinant. A ce que tu as dû endurer. Personne n’a le droit de souffrir autant. Plus je te lisais, plus je m’attachais, tu penses bien. Tu es un garçon extraordinaire, plein de ressources, de qualités diverses, et j’aime tellement te voir découvrir la vie avec ta sensibilité à fleur de peau. Dis-moi comment j’aurai pu faire autrement que de me passionner pour ta franchise et tes aventures? Comment ne pas voir ton potentiel inouï, et le don qui t’es propre? Mais plus, j’avançais dans ces pages, plus mon cœur se déchirait. Je sais que le quotidien d’un enfant placé, est difficile. Mais ma peine n’a fait que grandir, me submerger. A force je n’y arrivais plus. Je ne pouvais pas te laisser, mais mon hypersensibilité ne gérait plus le raz-de-marée. On n’a pas cessé de tuer ton innocence, ta joie, tes perspectives. Tu n’étais qu’un enfant, bordel. Et un enfant n’a pas à se confronter à la violence, à la drogue, à la faim. Cette indifférence de tous, m’a anéantie. Personne ne voyait, personne ne faisait rien, personne ne te protégeait. Que ce soit les figures parentales, les services sociaux, le corps médical, personne n’a bougé le petit doigt. Tout le monde a laissé faire. Ce n’est même pas qu’une histoire de pèquenauds, mon cher Demon, c’est le Mal qui a agit à tes dépens. Le mal comme le décrit Einstein, celui par lequel il peut proliférer puisque il y en a qui l’observe sans rien faire. Ce n’est pas toi, le déplorable, c’est eux. C’est cela qui est déplorable. Ce qui m’est vite devenu insupportable, c’est leurs déplorables inactions…

Certains appellent ça addiction. D’autres disent amour. Où est la frontière?

J’aime beaucoup ces deux A, qui foutent bien de dégâts dans nos vies. Et on peut dire que la vie, encore, ne t’a pas gâté, Diamant. Elles t’ont toutes les deux tenues par la main, et t’ont emmené bien loin. Il n’y a pas de frontière qui tienne, face à ces deux-là! Elles t’ont jeté dans le gouffre, et tu ne t’ai même pas beaucoup débattu, faut dire, avec tes yeux de jeune premier. Diamant, l’amour et l’addiction se sont ligués contre toi. Pour le meilleur et pour le pire. Mais il faut bien que tu comprennes encore une fois, que ce n’est pas qu’une affaire personnelle, ce n’est pas qu’une blessure transgenerationnelle, non. C’est une plaie systémique. Le pus de la société américaine qui s’est gangrené dans le marasme et le silence, mais que Barbara Kingsolver remonte à la surface, avec une grande lucidité et fait resurgir de ses profondeurs infernales. La crise des opioïdes ronge les États-Unis, mais elle ne sera pas la seule, évidemment. Et ce roman social, magistral, nous offre un panorama bien sombre des douleurs visibles et invisibles qui ravagent, inexorablement, la population et, surtout, les plus démunis…

Quels mots est-ce que je peux bien écrire ici pour que les yeux voient et croient?

Pour moi, c’est bien suffisant, Barbara. Pour moi, c’est un chef-d’œuvre que tu nous offres là. J’ai tout vu et je te crois, quand tu me parles d’inégalités, de mépris, de tragédies. Je vois bien l’effet miroir avec Dickens, et je crois en ton talent. Je vois tout de la beauté que tu as mis en Demon Copperhead, et je crois que ce personnage va traverser le temps, survivre à l’oubli comme son homologue. Quels mots, je pourrais mettre de plus, que exceptionnel. Fulgurant. Magnifique. Bouleversant. Puissant. Coup de cœur phénoménal. Quels yeux le verront, et qui me croira quand je dis, que c’est sans doute, le meilleur livre de l’année, de la décennie, du siècle? Je vais faire voler tout ça sur un cerf-volant en espérant qu’il atteigne l’autrice…

Remerciements:

Je tiens à remercier très chaleureusement les éditions Albin Michel de leur confiance et l’envoi de ce livre.

Mazaalai, Élise Rousseau

🐻Chronique🐻

Pourquoi voyage-t-on ? Qu’allons-nous chercher? Jusqu’où voulons-nous aller?

Chacun pourrait répondre différemment à ces questions, mais j’ai aimé ce voyage vers le désert de Gobi, à chercher un ours invisible. Partir avec la naturaliste et autrice Élise Rousseau, c’est ressentir la liberté et le silence. Rien ne vaut l’expérience de ces sensations. Elle nous les partage avec tant de details, d’énergie et de plaisir, qu’on a l’impression de faire partie de cette équipe de passionnés du Vivant. Des pannes diverses et variées aux surprises exaltantes, il ne faut pas que vous ratiez la coche! Et si le Mazaalai se cache, la nature, elle, balance ses plus beaux atours. La faune et la flore s’en donne à cœur joie, et, Elise nous régale de noms d’oiseaux et anecdotes envolées pour nous éblouir plus encore…

Ne croyez pas au réconfort dans un désert. Ici comme ailleurs, tout n’est que mirage.

Traverser un désert, c’est se confronter à la grandeur, à l’inconfort, à l’imprévisible. C’est aussi se confronter à soi-même. Voir jusqu’où on peut aller avec presque rien. Rien dans le ventre, rien dans le sac, rien à l’horizon. Quelles pensées alors vont venir jusqu’à nous? Cet extrême, c’est autant de manière de réfléchir à la temporalité, la finitude, le vertige, le manque, la joie, le deuil, le partage, la beauté. Et s’émerveiller du silence. L’accueillir en son sein et faire exploser son cœur, d’amour et de liberté. Cette escapade m’a enchantée. J’ai toujours eu une fascination pour les étendues désertiques mais le désert de Gobi, ce n’était qu’une expression, il n’avait pas de réalité dans mon petit monde, mais avec ces pages, il prend de la profondeur, des odeurs, des peurs, des couleurs, une dimension spirituelle. Et peut-être un hypothétique espoir de voyage, parce que maintenant, je veux voir aussi les ours de la Mongolie!

Pourquoi nous est-il si difficile d’aimer la nature, de l’accepter telle qu’elle est, dure parfois, belle souvent, et telle qu’elle a protégé notre espèce depuis ses origines? Elle nous nourrit, nous soigne, elle est notre vie. Pourquoi la détruire, pourquoi nous détruire ainsi sans relâche?

Et finalement, c’est cela que je retiendrai, au-delà de l’émerveillement des petites et grandes choses de la nature, c’est cette observation minutieuse et amoureuse qu’elle a sur le vivant. Parce qu’elle est si attentive et si attentionnée envers son prochain, et les êtres vivants que je comprends son incompréhension de la destruction. Comment peut-on massacrer notre planète alors qu’il y a tant de beautés à voir, à aimer, à comprendre? J’ai lu et adoré Mazaalai parce qu’en plus d’aller sur les pistes de l’ours du désert de Gobi, j’ai pu me tapir entre deux paragraphes pour observer des oiseaux fabuleux, j’ai pu voir une autre façon de redéfinir le bonheur, j’ai pu aussi me remplir du silence avec une tignasse désordonnée dans le vent! Purement grisant!

Remerciements:

Je tiens à remercier très chaleureusement les éditions Albin Michel de leur confiance et l’envoi de ce livre.

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En Féérie, il brille quelques poussières…

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