Nos cœurs disparus, Céleste Ng

🧶Chronique🧶

« Je te raconterai tout. Si tu promets de m’écouter. »

Il était une fois, un petit garçon. Bird. Cela pourrait commencer comme un conte, mais les fées n’y seront pas. À la place, c’est un monde rempli de monstres, de noirceur, de racisme, de conservatisme, de drames, et de disparitions. L’Amérique se relève difficilement de sa Crise. Les chats, le bonheur, la mère se sont fait la malle depuis belle lurette, alors, il faut bien avancer. Mais comment on fait, pour s’habituer? S’habituer au manque. S’habituer aux regards torves? S’habituer à baisser la tête? Il était une fois, un petit garçon solitaire mais qui déjà, rêvait. Un petit garçon ouvert aux histoires, à l’imagination, à la beauté parce que sa mère lui avait ouvert le chemin. C’est un petit garçon avec un coeur gros comme ça. Un petit garçon qui ne comprend rien au PACT, mais qui subit ses injonctions, à cause de quelques traits. Voilà pourquoi ce n’est pas un conte, mais une bien triste histoire qui vient déchirer nos cœurs en mille morceaux. Je ne pourrais pas tout te raconter, mais je sais que tu sais écouter le coeur quand il bat, plus fort, trop fort, puis revient, pulvérisé. Si tu voulais bien écouter, il se pourrait que tu entendes des réminiscences, des coïncidences, des résurgences. Et parce que l’on n’est toujours pas dans un conte, mais plus probablement dans une dystopie, je n’aurai pas besoin de préciser que c’est de pouvoir politique oppresseur, qu’il s’agit…Mais si tu voulais te pencher un peu plus, tu verrais que Céleste Ng, dénonce un phénomène de société alarmant et pourtant, pas aussi frictionnel qu’il n’y parait…Ce n’est pas un conte, et pourtant, il y a de la magie dans Nos cœurs disparus…

« J’ai juste écrit un poème. »

Juste ça. Empiler des mots, pour dire une vérité. La vérité d’un instant. La poésie a ceci de magique, c’est que chacun y voit, sa propre vérité. Mais la vérité du cœur est réelle, sincère, authentique. C’est peut-être pour cela, que le recueil de la poétesse Margaret Miu, Nos cœurs disparus, est devenu un étendard dans ce futur ombreux. Elle ne l’a pas voulu ainsi. Elle a juste écrit un poème. Mais les poèmes sont des mots empilés. Des mots qui ont envie de vivre, qui ont envie d’exister, qui ont envie de se rebeller. Ils veulent que leurs lettres brûlent dans le noir, qu’elles deviennent lumière, qu’elles soient vibrantes de réconfort. Elle n’a pas juste écrit un poème, Margaret, non, elle a donné des graines d’espoir à ceux qui avaient le cœur brisé. Elle va s’en apercevoir, au cours de son cheminement. Et parce qu’elle aura le cœur aussi en miettes qu’eux, parce qu’elle ira chercher au fond de leurs cœurs et de leurs foyers, la vérité accablante de cette réalité politique et sociale, elle deviendra la voix des opprimés. Leur poétesse de feu.

« Ils doivent pourtant voir, pense Bird, comment ne verraient-ils pas? »

Est-ce que vous verrez seulement, le combat des bibliothécaires? Est-ce que vous verrez le pouvoir de la poésie? Est-ce que vous verrez la vibration incroyable de ce livre? J’ai vu beaucoup de choses dans ce livre: de l’empathie, de l’amour, de l’engagement. J’ai vu aussi un avertissement, une urgence, un chagrin irrépressible. Il y a des histoires qui nous donne à voir bien plus, qu’un lien filial. « Rendez-nous nos cœurs disparus », c’est sûrement la nouvelle formule magique, de l’universel. Un cri puissant qui dépasse les frontières, les idéaux, les injustices. Et quand on sait, on sait. Aucun retour en arrière n’est envisageable. Nous avons vu, ressenti, vibré, pleuré avec Bird et sa mère, et il ne nous sera plus possible de rester indifférent après ça. Alors, même la dernière page tournée, il me reste une larme d’émotion pure, que je garde précieusement. Un moment suspendu. Je sais que je ne serai pas la seule, et cette idée me réconforte. Si nous formons un Nous, alors on sera plus efficace pour être plus attentifs, plus alertes, plus actifs. Nos cœurs à l’unisson. Et nous aurons, soit un peu de fil rouge ou un bouchon à la main, mais jamais, on ne pourra oublier Nos cœurs disparus, parce que le coup qui a été porté, était perforant, mais aussi doux, comme un poème. Merci Céleste Ng pour ce roman bouleversant.

Remerciements:

Je tiens à remercier très chaleureusement Sonatine Éditions de leur confiance et l’envoi de ce livre.