Les femmes de Bidibidi, Charline Effah

🪽Chronique🪽

« Le malheur des femmes est un non-événement. »

La violence de cette phrase m’a déchiré le cœur. Non seulement parce qu’elle est vraie, mais plus encore parce qu’elle est réelle. La violence faite aux femmes est systémique mais en plus, silenciée. Depuis la nuit des temps jusqu’à nos jours, le corps des femmes est un champ de bataille. Tout le monde sait, mais tout le monde ignore cette violence inouïe à l’égard des femmes. Cette phrase, elle arrive, à peu près au tiers du roman, nous sommes au cœur du camp du Bidibidi, et l’horreur du quotidien de ces réfugiées nous frappe en pleine gueule. Guerres, brutalités, misère, violences, dénuement, peur, meurtrissures, déracinement…Et pourtant, ces femmes de Bidibidi, dans le regard de Minga, sont belles, altières, puissantes. Malgré leur malheur évident, avec ce que ça comporte de souffrances visibles et invisibles, Minga voit leurs potentiels résiliants, la sororité, les corps sublimes. Et ce qui a fait envoler mon cœur, oui, parce que même brisé, il a encore des ailes…Alors même quand ça crissait, même quand ça suintait, même quand ça puait la mort, je marchais avec Minga. J’avançais avec toutes ces femmes dans le coeur. Rose, Jane, Joséphine, Veronika. J’avais envie de croire de toutes mes forces, qu’on pouvait bâtir ensemble, un rêve. En faire un événement. Le choix de la réparation…Parce que c’est de cela qu’il est question, de réparer les femmes, après le carnage des hommes…

« Mais alors, pourquoi suis-je venue? »

Parce que j’étais prête. J’étais prête à entendre la douleur de mes sœurs de là-bas. J’étais prête à me confronter à la folie des hommes, à l’horreur d’une guerre, à lever des tabous, même si j’allais y perdre des plumes. J’étais prête, il me semble, mais en fait, on n’est jamais bien préparée à ce genre de réalité. Ces survivantes, ces âmes errantes, ces femmes battues sont tellement brisées de l’intérieur que seules des femmes engagées et bienveillantes, peuvent encore, avoir l’espérance de recoller leurs morceaux éparpillés. Minga ira jusqu’à elles, pour suivre et comprendre sa mère, infirmière et fêlée de toute part…Elle est venue jusqu’au camp pour mettre des mots sur le phénomène de la fuite. Fuir pour les femmes, c’est choisir de vivre. Fuir un foyer, un pays, une condition, c’est essayer de se réinventer en d’autres lieues. Fuir pour essayer de reconstruire ailleurs, un corps, un rêve, un espoir. Elle est venue jusqu’en Afrique, pour saisir le vrai sens du mot Réparation…Cette quête va l’emmener à découvrir la tragédie des femmes de Bidibidi, mais également le cheminement résilient de sa mère.

« J’ai la nostalgie de mon corps d’avant. »

C’est un coup de cœur. C’est un coup de cœur parce que Les femmes de Bidibidi ouvrent le leur. Elles nous donnent à voir leurs intimités, leurs histoires, leurs humanités. Elles n’ont de cesse, de faire vibrer la sororité, de nous prouver que le choix du cœur est le meilleur, de choisir la vie. Elles sont là, resplendissantes et solaires, parce que c’est bien connu, les fêlures laissent passer la lumière. Elles sont magnifiques, parées de l’or de leurs réparations entre les cicatrices. Je les aime même si j’aurai préféré que leurs corps ne soient pas ainsi profanés. Je les aime dans leurs reconstructions parce qu’elles sont un modèle de force prodigieuse. J’aime Les femmes de Bidibidi et le bruit de leurs ailes quand elles se déploient dans le ciel…

Remerciements:

Je tiens à remercier très chaleureusement les éditions Emmanuelle Collas de leur confiance et l’envoi de ce livre.

2 Commentaires (+ vous participez ?)

  1. Aude Bouquine
    Août 28, 2023 @ 11:07:38

    Ce roman semble très dur psychologiquement….

    Réponse

Laissez un peu de poussière de féerie, cela fait toujours plaisir...

En Féérie, il brille quelques poussières…

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